Harry Belafonte was a barrier-breaking legend who used his platform to lift others up. He lived a good life – transforming the arts while also standing up for civil rights. And he did it all with his signature smile and style. Michelle and I send our love to his wife, kids, and… pic.twitter.com/g77XCr9U5b
— Barack Obama (@BarackObama) April 25, 2023
Tant qu’il existe des obscurantistes, des nostalgiques du « privilège blanc », des rêveurs impénitents d’un passé révolu, il y aura toujours sur la route, des anarchistes, des Qanon, des attaquants du Capitole un 6 janvier 2021, qui rêvent d’un Donald Trump, en profiteur dédié, qui ne se fera point prier avec une offre à l’instar du MAGA (Make America Great Again), nouvelle mouture. Le temps passe et repasse en faisant table rase des incongruités de la vie, mais certains persistent et signent en pataugeant dans le déni pour perpétuer, malgré vents et marées, le monde de leurs ancêtres.
C’est ainsi que cet article tonitruant, ci-dessous, du journaliste C. Rioux, dans les colonnes du journal « Le Devoir de Montréal », a fait grincer les dents à la communauté noire universitaire et surtout celle de la diaspora haïtienne. Dans une réponse appropriée et bien tournée du professeur Samuel Pierre, le journaliste évaluateur a été remis à sa place avec le contraire de ses allégations à propos de la place de Mme Claudine Gay, d’origine haïtienne, nommée récemment, présidente de l’Université Harvard aux États-Unis. Je vous invite à prendre connaissance du commentaire du Dr Pierre d’abord et les élucubrations du journaliste du Devoir Christian Rioux, ensuite. Bonne lecture. Max Dorismond ___________________ Le commentaire du Dr Samuel Pierre : Où s’en va l’Université ? Commentaires et questions sur un article de M. Christian Rioux, paru dans Le Devoir du 13 janvier 2023 Par Samuel Pierre[1] J’ai lu, dans Le Devoir du 13 janvier dernier, un article de M. Christian Rioux qui analyse la nomination historique de la professeure Claudine Gay comme présidente de la prestigieuse université Harvard des États-Unis. J’ai vite senti le besoin de réagir à cet article dont la publication ne fait honneur ni à son auteur ni au journal qui l’a publié. Dans son article, M. Rioux écrit : « L’idée ne serait venue à personne de contester l’autorité que Summers pouvait exercer sur ses pairs. » C’est bien mal connaître le milieu universitaire que de croire que le président d’une université exerce de l’autorité sur ses pairs qui, dans certains cas, ont plus de notoriété scientifique ou intellectuelle que le président lui-même. M. Rioux poursuit en prédisant ceci : « Il n’en va pas de même de la nouvelle présidente qui vient d’être nommée. » Ne pense-t-il pas que c’est l’expression de son propre préjugé envers quelqu’un qui n’est même pas entré en fonction et qui n’a donc pas encore eu l’occasion de se faire valoir dans son nouveau poste? La professeure Claudine Gay a occupé auparavant des postes de direction universitaire. En journaliste professionnel assujetti à des exigences d’objectivité, n’aurait-il pas été mieux pour M. Rioux d’aller investiguer sur la gestion passée de cette professeure plutôt que de prédire que l’autorité « de la nouvelle présidente qui vient d’être nommée » sera contestée ? Merci d’être objectif ! Dans une démarche qui relève de l’imposture, M. Rioux s’érige en évaluateur universitaire et s’interroge « sur la minceur de son dossier universitaire ». M. Rioux, que signifie pour vous « la minceur de son dossier universitaire »? J’aimerais bien vous entendre là-dessus. Son dossier est si mince qu’elle a pu obtenir sa promotion au rang de professeure agrégée (tenured) de l’université Stanford, suivie de sa promotion au rang de professeure titulaire puis doyenne à l’université Harvard? Êtes-vous en train d’insinuer que Harvard dont la réputation n’est pas surfaite, où on « trouve quelques-uns des plus grands esprits de ce monde » a bafoué ses propres règles d’excellence académique dans le recrutement et la promotion de la professeure Claudine Gay? M. Rioux cite David Randall en relevant que, « en vingt ans de carrière, cette professeure d’études afro-américaines n’a publié que 11 articles universitaires et pas un seul livre à l’exception d’un ouvrage collectif ». Question pour M. Rioux : Comment se compare le dossier global (professeur, gestionnaire) de Madame Gay avec ceux des présidents ou recteurs des autres universités nord-américaines, en considérant qu’un recteur est avant tout un gestionnaire de haut niveau ? M. Rioux y va même d’une comparaison : « À titre d’exemple, son prédécesseur, Lawrence Bacow, avait à son actif une bonne trentaine d’articles et l’historienne Drew Gilpin Faust, première femme à diriger Harvard, cinq livres majeurs. » Sous l’angle des attentes en matière de publication, d’aucuns jugeraient tout aussi minces ces dossiers universitaires montrés en exemple par M. Rioux qui se trouve devant une nouvelle énigme : « Comment expliquer que la présidente de l’université la plus prestigieuse du monde n’ait pas écrit un seul livre digne de ce nom ? » Serait-elle la première présidente ou rectrice d’université nord-américaine à n’avoir « pas écrit un seul livre digne de ce nom ? ». Citant toujours la seule source qui lui sert de référence pour étayer son préjugé, M. Rioux endosse ce qui suit : « Il ne fait guère de doute pour Randall que Claudine Gay n’a pas été nommée sur la base de son dossier universitaire, mais essentiellement pour des raisons de discrimination positive. » Pensez-vous, M. Rioux, que toutes les nominations au poste de président ou de recteur d’université ont toujours été faites sur la base du dossier universitaire ? Savez-vous que plusieurs présidents ou recteurs viennent de milieux non universitaires et donc ne possèdent aucun dossier universitaire « digne de ce nom »? Avez-vous questionné par le passé ces universités qui, même ici au Québec, ont fait ces choix ? « Eût-elle été d’un autre sexe et d’une autre couleur, elle ne serait pas présidente de Harvard », toujours selon M. Rioux faisant la leçon au comité de sélection de cette prestigieuse université qui a su recruter « quelques-uns des plus grands esprits de ce monde ». « Comme si l’université, qui fut le foyer de la pensée universaliste, était devenue un lieu de maquignonnage entre communautés ethniques qui se disputent les places sans aucun critère d’excellence. », regrette-t-il. M. Rioux, je suis membre du comité des chaires de mon établissement universitaire où siègent des personnes de toutes les couleurs, de tous les sexes et de toutes les races. Je peux vous assurer que le choix de ces membres est fondé essentiellement sur l’excellence, pour promouvoir et reconnaître celle-ci. Ce n’est pas du journalisme professionnel que de déclarer péremptoirement, sans preuve, que de tels comités sont des lieux où « se disputent les places sans aucun critère d’excellence ». Seriez-vous en train d’insinuer que l’appartenance à une communauté ethnique est incompatible avec les critères d’excellence ? J’y vois là l’expression d’une certaine idéologie que vous avez du mal à dissimuler. Attention ! Vous dites que « S’il importe d’aider les populations défavorisées à accéder à l’université, et j’en suis, encore faut-il le faire en amont et jamais au détriment de l’excellence ». Toujours le même biais idéologique, probablement inconscient : l’appartenance à une communauté ethnique ne rime pas avec excellence, selon M. Rioux qui poursuit : « À défaut de compromettre sa mission, la fonction de l’université ne saurait être de réparer les injustices sociales, mais d’instruire ». Et pourquoi pas, M. Rioux? La lutte contre les injustices doit être l’affaire de toute la société, incluant l’Université qui n’opère pas dans un vacuum et qui se doit d’être exemplaire. Oui, l’Université a pour mission première d’instruire, mais aussi de contribuer à réparer les injustices – présentes dans toutes les sphères de l’activité humaine – en les reconnaissant et en travaillant à leur disparition en vue de parvenir à améliorer la société. « Il est triste de devoir rappeler que jamais la couleur de la peau, le sexe ou l’orientation sexuelle ne feront la qualité d’un professeur, encore moins d’un président d’université ». Merci de le rappeler, enfin, M. Rioux ! Mieux vaut tard que jamais ! Mais, il est dommage de constater, à la lecture de cet article, que M. Rioux semble plutôt penser le contraire. M. Rioux pose la question existentielle suivante : « Quel respect celui qui a été ainsi choisi pourra-t-il imposer à ses pairs ? » Pourquoi êtes-vous si impatient M. Rioux ? Laissez à madame Claudine Gay faire ses preuves comme nouvelle présidente ! De mémoire, je ne me rappelle pas avoir vu M. Rioux écrire pour objecter au choix d’un recteur d’université québécoise. Et pourtant, les choix n’ont pas toujours été heureux et les dossiers de ces recteurs n’ont pas toujours été un modèle de publications scientifiques, même lorsqu’ils proviennent de milieux universitaires. J’ai connu d’excellents chefs d’établissement universitaire dont le dossier de publication était plutôt mince. M. Rioux y va de son verdict : « Cette façon de faire est non seulement la recette de la médiocrité, mais elle jette le discrédit sur tous ceux qui, issus de minorités, se sont hissés là où ils sont par leurs propres moyens. » M. Rioux, merci de ne pas vous occuper de ce discrédit. Vous vous obstinez dans l’amalgame et les préjugés : l’appartenance à une communauté ethnique est incompatible avec les critères d’excellence, selon vous. Vous semblez déplorer aussi que « L’autre effet pervers de cette façon de faire, c’est la loi du silence qu’elle instaure. Qui osera en effet critiquer ces nominations se verra aussitôt soupçonné de racisme. » Oui, pas nécessairement à tort, surtout quand on le fait de manière si sélective, pour ne pas dire ciblée. De mémoire, redis-je, je ne me rappelle pas vous avoir vu écrire pour objecter au choix d’un recteur d’université québécoise. Je ne vois pas la nécessité de se défendre contre un soupçon de racisme. C’est à la personne qui subit le racisme de dénoncer tout comportement qui s’y apparente et dont elle est victime. « Comment des institutions censées représenter la quintessence de la pensée ont-elles pu sombrer dans une telle confusion idéologique ? », se demande M. Rioux. Serait-il en train de dire que Harvard est la seule entité à verser dans cette confusion idéologique? Que dirait M. Rioux à d’autres qui pensent que son article n’est ni plus ni moins que l’expression et la défense d’une certaine idéologie? Sans aucune donnée statistique ni analyse, M. Rioux expose enfin l’essence même de sa pensée : « L’ensauvagement américain devrait nous en convaincre. Un demi-siècle de discrimination positive n’a pas le moins du monde apaisé les tensions raciales. » Cela ressemble à du révisionnisme, en plus d’être un sophisme. M. Rioux, seriez-vous en train de dire que la société ne devrait pas chercher à utiliser l’intégralité de ses ressources humaines, sans discrimination aucune qui pourrait être basée sur le sexe, la race, l’origine ethnique ? Pour terminer, M. Rioux, je vous invite à reconnaître que le talent n’a ni sexe, ni race, ni origine ethnique. D’où la nécessité, dans une quête de justice, d’inventer des dispositifs capables de mettre en application cette évidence, même lorsque ces dispositifs seraient imparfaits pourvu qu’ils contribuent à réduire les injustices. Libérez-vous de cette idéologie que l’appartenance à une communauté ethnique est un obstacle à l’excellence. Car, contrairement à ce que vous pensez, le maintien du contrat social en dépend. [1] Samuel Pierre est professeur titulaire au département de génie informatique et génie logiciel à Polytechnique Montréal (http://www.larim.polymtl.ca/index.php/biographie) |
Où va l’université?
Par: Christian Rioux Le Devoir/13 janvier 2023 Il y a plusieurs années, j’ai eu la chance d’être boursier à l’Université Harvard. Je ne saurais vous décrire l’extrême plaisir que j’ai eu à musarder pendant une année entière dans l’une des meilleures universités du monde, passant d’un cours sur la politique étrangère américaine à un autre sur la poésie contemporaine. La réputation de Harvard n’est pas surfaite. On y trouve quelques-uns des plus grands esprits de ce monde. L’année s’était terminée par une réception dans le grand bureau du président Larry Summers. Nul besoin de dire que nous brûlions d’interroger celui qui, en plus d’une brillante carrière universitaire, avait été économiste en chef de la Banque mondiale et secrétaire au Trésor de Bill Clinton. Peu importaient ses convictions idéologiques, nous avions devant nous un homme au verbe haut qui avait été l’un des penseurs du libéralisme économique des années 1990. L’idée ne serait venue à personne de contester l’autorité que Summers pouvait exercer sur ses pairs. Il n’en va pas de même de la nouvelle présidente qui vient d’être nommée. La presse internationale a applaudi la nomination de Claudine Gay en soulignant unanimement le fait que cette fille d’une infirmière et d’un ingénieur haïtiens était la première noire à accéder à ce poste. S’il est normal de s’en réjouir, on peut néanmoins s’interroger sur la minceur de son dossier universitaire. C’est ce qu’a eu le courage de faire David Randall, directeur de la recherche à la National Association of Scholars, qui souligne qu’en vingt ans de carrière, cette professeure d’études afro-américaines n’a publié que 11 articles universitaires et pas un seul livre à l’exception d’un ouvrage collectif. À titre d’exemple, son prédécesseur, Lawrence Bacow, avait à son actif une bonne trentaine d’articles et l’historienne Drew Gilpin Faust, première femme à diriger Harvard, cinq livres majeurs. Comment expliquer que la présidente de l’université la plus prestigieuse du monde n’ait pas écrit un seul livre digne de ce nom ? Il ne fait guère de doute pour Randall que Claudine Gay n’a pas été nommée sur la base de son dossier universitaire, mais essentiellement pour des raisons de discrimination positive. Eût-elle été d’un autre sexe et d’une autre couleur, elle ne serait pas présidente de Harvard. Cette nomination apparaît d’autant plus politique que la Cour suprême américaine se prononcera bientôt sur une requête soutenant que, compte tenu de leurs bons résultats universitaires, les étudiants asiatiques sont largement discriminés par ces critères raciaux et ethniques. Un jugement qui pourrait ébranler les politiques de « discrimination positive » qui ont été érigées en dogme depuis que les théories racialistes sont devenues dominantes dans les universités américaines. C’est ainsi que l’on voit se multiplier de pures aberrations comme ces appels à candidature fermés aux « hommes blancs » pour des chaires de recherche du Canada. Comme si l’université, qui fut le foyer de la pensée universaliste, était devenue un lieu de maquignonnage entre communautés ethniques qui se disputent les places sans aucun critère d’excellence. S’il importe d’aider les populations défavorisées à accéder à l’université, et j’en suis, encore faut-il le faire en amont et jamais au détriment de l’excellence. À défaut de compromettre sa mission, la fonction de l’université ne saurait être de réparer les injustices sociales, mais d’instruire. Si l’excellence n’y triomphe pas, où triomphera-t-elle ? Il est triste de devoir rappeler que jamais la couleur de la peau, le sexe ou l’orientation sexuelle ne feront la qualité d’un professeur, encore moins d’un président d’université. Quel respect celui qui a été ainsi choisi pourra-t-il imposer à ses pairs ? Cette façon de faire est non seulement la recette de la médiocrité, mais elle jette le discrédit sur tous ceux qui, issus de minorités, se sont hissés là où ils sont par leurs propres moyens. L’autre effet pervers de cette façon de faire, c’est la loi du silence qu’elle instaure. Qui osera en effet critiquer ces nominations se verra aussitôt soupçonné de racisme. D’ailleurs, rares sont ceux qui ont osé critiquer celle de Claudine Gay. Comme l’écrit Randall : « Écoutez le silence assourdissant qui monte de la tour d’ivoire. » Comment des institutions censées représenter la quintessence de la pensée ont-elles pu sombrer dans une telle confusion idéologique ? Force est de reconnaître que ce fléau a progressé lentement comme un cancer longtemps dissimulé. Contrairement à l’université rêvée par Hannah Arendt qui devait se tenir loin des idéologies et permettre « à des jeunes de demeurer, pendant un certain nombre d’années, à l’écart de tous les groupements sociaux et […] d’être vraiment libres », on voit aujourd’hui triompher une université où chacun est renvoyé à son appartenance ethnique et sexuelle. L’ensauvagement américain devrait nous en convaincre. Un demi-siècle de discrimination positive n’a pas le moins du monde apaisé les tensions raciales. Plus généralement, si ces nouvelles discriminations devaient se pérenniser, elles signeraient la rupture d’un contrat social qui a longtemps assuré la richesse intellectuelle et la prospérité de nos sociétés. Comme le dit Arendt, « il est assez improbable qu’un type quelconque de société civilisée soit capable de survivre à la disparition de ces curieuses institutions » que sont les universités. Un autre commentaire au sujet des critiques de Rioux;
Les mots comptent, la rigeur aussi « Où va l’université ? » s’interrogeait en ces pages un chroniqueur inquiet. Comme plusieurs, il venait d’apprendre l’élection de Claudine Gay à la présidence de l’illustre Université Harvard, qu’il aurait fréquentée dans un passé plus ou moins lointain. Pas assez longtemps, de toute évidence, pour faire partie des 400 000 destinataires du courriel qui lançait le processus de recherche d’une candidature à la présidence de Harvard. Ce qui l’inquiète, c’est la minceur du dossier universitaire de Mme Gay, qui ne devrait pas justifier son accès à la présidence de ce haut lieu du savoir. Selon le chroniqueur, ce qui explique le mieux qu’elle ait été nommée à la plus haute fonction de cette prestigieuse institution américaine serait l’application d’une hypothétique politique d’inclusion. Harvard, qui représente pourtant la « quintessence de la pensée », aurait sombré dans la confusion idéologique : « Comme si l’université, qui fut le foyer de la pensée universaliste, était devenue un lieu de maquignonnage entre les communautés ethniques qui se disputent les places sans aucun critère d’excellence », ajoute-t-il. Les maquignons sont des marchands de bovins reconnus pour leur malhonnêteté. Des colporteurs véreux. Ce que dit Christian Rioux est important, les mots comptent : les communautés ethniques se disputeraient des places privilégiées sans aucun critère d’excellence. Pour le chroniqueur, l’excellence doit triompher ! Parlant de l’excellence triomphale, Rioux cite le directeur de la recherche scientifique de la National Association of Scholars (NAS), David Randall, duquel il mime les arguments, d’ailleurs. Quant à moi, qui estime plutôt la rigueur, j’ai voulu en savoir plus sur la « source » de Christian Rioux. Après tout, moi aussi j’ai une question : où va le directeur scientifique ? Étape 1 : évaluer l’institution. La National Association of Scholars n’a rien de scientifique, c’est un groupe de pression conservateur qui produit des rapports et qui lutte contre le progressisme, notamment l’inclusion. C’est un lobby. Étape 2 : évaluer la source. David Randall est un historien obscur qui aurait obtenu son doctorat à l’Université Rutgers. Aucune trace dans le registre de l’établissement, à l’exception de sa thèse de doctorat, qui porte sur la crédibilité des nouvelles militaires à l’ère élisabéthaine. Je me suis donc tourné vers deux systèmes d’intelligence artificielle (SIA) permettant d’explorer les publications scientifiques et professionnelles, ainsi que les réseaux d’auteurs et d’autrices. Très utiles pour identifier les collaborations et les filiations. David Randall aurait aussi publié une série de romans fantaisistes, des reprises de Blanche-Neige, tous classés dans le rayon « fiction catholique ». En soi, que deux SIA consacrés à la recherche de références ne retournent aucune publication scientifique signée en premier auteur par un directeur de la recherche scientifique, c’est déjà un exploit ! Selon Google Scholar, M. Randall a publié de nombreux rapports, tous édités par l’association dont il dirige la recherche, et comme deuxième auteur. Un peu inquiet de la médiocrité du dossier universitaire de M. Randall, j’ai consulté la bibliothèque de ma propre université, juste pour être certain d’avoir suivi toutes les pistes. J’ai trouvé la version numérique de la thèse citée plus haut. Avis aux curieux et curieuses. Christian Rioux souligne que Mme Gay ne peut revendiquer qu’une douzaine d’articles scientifiques. C’est déjà douze fois plus que M. Randall et le chroniqueur réunis ! En plus, son curriculum vitae est public : elle est sociologue quantitative diplômée de Stanford, elle a une longue expérience de gestion et d’administration. Alors qu’elle peut revendiquer beaucoup de rigueur scientifique, d’autres se contentent de baratiner sur le triomphe de l’excellence scolaire. Étape 3 : conclure. Où va Christian Rioux ? Selon ce dernier, « le contrat social qui a longtemps assuré la richesse et la prospérité de nos sociétés » serait respecté lorsqu’il s’agit d’un directeur scientifique médiocre qui, après avoir usurpé un titre qu’il ne mérite pas, maquignonne pour un lobby. En deux mots, Christian Rioux cite un excellent larbin. Ce faisant, il donne un exemple patent de l’application d’un deux poids, deux mesures caché sous un vernis de prétention, deux attitudes qui sont contraires à l’idéal universitaire. Sa réflexion n’a rien à voir avec l’excellence, un mot vide qui ne sert ici qu’à rendre socialement acceptable un propos qu’il sait choquant. Le filigrane de sa pensée, la source de son anxiété, c’est que l’Université Harvard désormais sera présidée par une personne noire. ____________________________ Réplique de Christian Rioux Il ne vous aura pas échappé que David Randall ne brigue pas la présidence de Harvard. Dénigrer et traiter de « larbin » un simple citoyen en évitant soigneusement de répondre à ses arguments contre la « discrimination positive » — une politique qui n’a rien d’« hypothétique » dans le cas de Harvard et dont Mme Gay est le pur produit — tient de la mauvaise foi. Vous ignorez sciemment que Mme Gay a aussi été nommée pour affronter une éventuelle décision de la Cour suprême en 2023 sur la discrimination positive. Quant à vos insinuations au conditionnel selon lesquelles j’aurais « fréquenté dans un passé plus ou moins lointain » l’Université Harvard, une simple vérification vous aurait permis de constater que j’y ai été Nieman Fellow en 2004. Toujours dans Le Devoir |